SANG IMPUR PRÉ-RÉVOLUTIONNAIRE

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L'expression est parfois utilisée pendant les guerres à propos des ennemis :

- « Leurs légions, victimes de la mort, d'un sang impur ont arrosé les herbes » Nicolas Boileau, 1636-1711

- « Vois, ô Race parjure... Va, pour s'entredétruire, armer tes bataillons, Et de ton sang impur abreuver tes sillons...»

Adresse à la nation Anglaise, Claude-Rigobert Lefebvre de Beauvray, avocat Parisien, écrit en 1757 pendant la Guerre de sept ans contre les Anglais (poème qui, selon David A. Bell, historien à Yale, a inspiré Rouget de Lisle)


Par ailleurs, dans la société, comme le montrent les dictionnaires de l'époque, le « sang pur » est attribué aux nobles, tandis que le « sang impur » est celui du peuple :

« On dit qu'un prince est sorti du plus pur sang du monde pour dire du sang le plus noble et le plus illustre ». Première édition du Dictionnaire de l'Académie française (1694)

« La pureté du sang se dit d'une famille de haute extraction dans laquelle il n'y a point eu mésalliance ». Littré

« On dit aussi, pour vanter une ancienne noblesse qui ne s'est point mésalliée, qu'il n'est point entré de sang impur dans cette maison » Furetière, Dictionnaire universel (1690),

« On dit figurément et poétiquement qu'un homme est né d'un sang impur pour dire qu'il est né de parents notés », (notés, c'est-à-dire ayant mauvaise réputation). Dictionnaire de l'Académie française (1762)

A propos de cette «querelle des deux races», omniprésente dans les débats intellectuels avant la Révolution, Hannah Arendt écrit :

« C'est pourtant dans ce siècle créateur de nations et dans le pays de l'amour de l'humanité que nous devons chercher les germes de ce qui devait plus tard devenir la capacité du racisme à détruire les nations et à annihiler l'humanité. Il est remarquable que le premier auteur à faire l'hypothèse de la coexistence, en France, de peuples différents, d'origines différentes, fut aussi le premier à élaborer une pensée de classe définie. Le comte de Boulainvilliers, noble français qui écrivit au début du XVIIIème siècle des œuvres qui ne furent publiées qu'après sa mort, interprétait l'histoire de la France comme l'histoire de deux nations différentes dont l'une, d'origine germanique, avait conquis les premiers habitants, les "Gaulois", leur avait imposé sa loi, avait pris leurs terres et s'y était installée comme classe dirigeante, en "pairs" dont les droits suprêmes s'appuyaient sur le "droit de conquête" et sur la "nécessité de l'obéissance toujours due au plus fort". Essentiellement préoccupé de trouver de nouveaux arguments contre la montée du pouvoir politique du Tiers État et de ses porte-parole, ce "nouveau corps" composé de "gens de lettres et de loi", Boulainvilliers devait aussi combattre la monarchie parce que le roi de France ne voulait plus représenter les pairs en tant que primus inter pares, mais bien la nation tout entière: en lui, de ce fait, la nouvelle classe montante trouva un moment son allié le plus puissant. Soucieux de rendre à la noblesse une primauté sans conteste, Boulainvilliers proposait à ses semblables, les nobles, de nier avoir une origine commune avec le peuple français, de briser l'unité de la nation et de se réclamer d'une distinction originelle, donc éternelle.

Avec beaucoup plus d'audace que la plupart des défenseurs de la noblesse ne le firent par la suite, Boulainvilliers niait tout lien prédestiné avec le sol ; il reconnaissait que les "Gaulois" étaient en France depuis plus longtemps, que les "Francs" étaient des étrangers et des barbares. Sa doctrine se fondait exclusivement sur le droit éternel de la conquête... Des siècles avant le développement du racisme impérialiste, et ne suivant que la logique intrinsèque de son concept, il avait vu dans les habitants originels de la France des indigènes au sens moderne du temps ou, selon ses propres mots, des "sujets" -non pas du roi, mais de tous ceux dont le privilège était de descendre d'un peuple de conquérants qui, par droit de naissance, devaient être appelés "Français"...

Il invente deux peuples différents au sein de la France pour s'opposer à la nouvelle idée nationale, telle qu'elle était représentée dans une certaine mesure par l'alliance de la monarchie absolue et du Tiers État »

-Hannah Arendt, L'Impérialisme, deuxième partie des Origines du Totalitarisme (1951). Gallimard, coll. Quarto, 2002, p.419-422.

L'abbé Sieyès fait référence à cette querelle dans "Qu'est-ce que le Tiers-Etat ?", pamphlet le plus vendu en 1789, dans cette phrase qui préfigure la Révolution :"Pourquoi le Tiers-Etat ne renverrait-il pas dans les forêts de Franconie toutes ces familles qui conservent la folle prétention d'être issues de la race des conquérants...? La Nation, alors épurée, pourra se consoler, je pense, d'être réduite à ne plus se croire composée que des descendants des Gaulois et des Romains."

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